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On voyage chez l’avocat
L’avocat se mit à l’observer, mêlant l’étonnement à la pitié. Lui marchait de long en large, avec suffisance, débordant d’assurance. Ecoutant la voix de son imagination, il se disait : “Fais-moi confiance, tout ira bien, l’accusation n’est pas si grave, tout compte fait, les arguments sont pour la plupart insignifiants, l’affaire est déjà classée” … A l’opposé, l’avocat, quant à lui, ne connaissait pas un seul moment de repos; il savait pertinemment que la requête était des plus sérieuses, une lourde peine planant sur l’accusé si sa culpabilité était avérée, et il existait de très sérieuses “chances” d’y avoir “droit” … Il avait plusieurs fois sollicité l’aide de son client, afin de bien préparer ensemble la défense. Cependant, celui-ci baignait dans une confiance illusoire, susceptible de lui ôter toute faculté de jugement.
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Les “jours de l’enfantement du monde” définissent la période durant laquelle nous nous tenons en jugement, jugement qui, au passage, concerne aussi toutes les créatures du monde. La peur et le tremblement devraient faire partie de notre lot. Certes, nous voulons tous vivre, être sauvés de tout mal et mériter tout le bien spirituel et matériel – mais nous savons aussi que l’issue de ce jugement dépend obligatoirement de nos actions. Si c’est le cas, comment pourrions-nous demeurer tranquilles et paisibles?! Comment est-il possible de mener une vie ancrée dans la routine, alors que les jours sont comptés avant la décision qui engage notre destin ?! La malédiction relative aux dernières générations, c’est celle, menaçante, dans laquelle nous sommes nés. Il s’agit de la génération qui a expérimenté la prophétie terrifiante de “Je voilerai ma face”, dont la signification est qu’à un moment de l’histoire, règnera dans le monde “la dissimulation de la face ” du Saint béni soit-Il, sous la forme la plus sévère. Il sera difficile de voir de façon nette la conduite de D. et sa miséricorde. Il y aura de sévères répercussions, y compris au niveau de l’individu. Notre saint maître explique l’essence du “voilement à l’intérieur du voilement” quand l’homme prend l’habitude de commettre des fautes au point de perdre toute sensibilité à son écart de conduite; il ne ressent pas son éloignement, ayant l’impression que “le monde continue à tourner”, comme si de rien n’était, et qu’il n’a nullement besoin d’un remède. Plus il continue à fauter, et plus sa sensibilité vis-à-vis de la transgression tendra à disparaître. En d’autres termes, son sentiment de “bien-être” s’accroîtra en fonction du degré de sa dépravation … Une telle attitude est à l’origine de notre insouciante tranquillité, la veille de passer en jugement. Nous étions sensés au départ éveiller la miséricorde et solliciter la pitié, afin de sortir acquittés du jugement – et nous vaquons à nos occupations, en ayant le sentiment que tout va bien. Notre ultime chance de salut se retrouve grandement menacée.
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Que pouvons-nous faire ? Malgré tout, comment pourrions-nous être sauvés ? Lorsque nous aurons au moins conscience que nous souffrons de cette maladie et que nous confierons notre santé à celui qui est encore bien portant et vif d’esprit, en agissant comme cet accusé dont l’ultime espoir d’échapper au jugement sévère est de s’adresser à son avocat, en dépit de son impression trompeuse qui lui souffle que tout va bien; armé de cette lucidité qui l’invite à ne pas s’appuyer sur sa propre impression de sérénité, il se tourne impérativement vers l’avocat qui prendra sa demande en considération.
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Notre saint maître a ordonné de proclamer que tout celui qui se rapprocherait de son enseignement aurait le devoir de lui rendrait visite à Roch Hachana. C’est une proclamation qui concerne tout un chacun. Cependant, l’homme est plus que jamais appelé à goûter à cette tranquillité trompeuse quand il pense ne pas être tenu à voyager pour sortir acquitté du jugement à venir. Il a l’impression de contrôler la situation, et d’avoir la capacité de se sauver lui-même. Cette personne a l’obligation de se réveiller en tremblant de tous ses membres : “Comment puis-je encore prolonger cette sérénité routinière ?! C’est probablement le poids si lourd de mes fautes qui a obturé mon coeur, en me faisant perdre toute sensibilité. Malheur à moi lorsque, seul, je me mettrai à demander grâce, alors que j’éprouve tant d’indifférence devant ma véritable situation !” Ce frisson doit conduire à une prise de décision : se lever et se mettre en quête d’un espoir de salut. Ne pas se laisser entraîner à la paresse qui altère la situation réelle et ferme les yeux en faisant croire qu’il n’y a aucun problème. Même l’homme le plus éloigné reçoit un nouvel espoir quand il fait au moins cet effort minimum, à savoir aller se prosterner sur la tombe du Juste, la veille de Roch Hachana, en demandant, par son mérite, d’accomplir un parfait retour à D.. C’est ainsi qu’écrit Rabbi Nathan (Likouté Halakhot, lois sur la prière de l’après-midi, 7) : “Tout le délice du juste après sa mort consiste en ce qu’un homme ordinaire, appartenant à ce monde-ci, même s’il possède beaucoup de défauts, se prosterne devant sa tombe et lui demande de l’aide pour se repentir et réparer, car grâce à cet éveil, le Juste accomplit immédiatement ce qu’il a à faire en faveur de cet homme, en l’élevant. Car l’essentiel est de manifester un certain éveil d’en bas, aussi minime soit-il, car sans cela, une « prise en charge » de la situation par le Juste n’est pas envisageable”. Il s’agit du point de libre arbitre sans lequel il n’est pas possible de venir au secours de l’homme. Si celui-ci ne se lève pas pour se rendre au moins chez le médecin, afin de recevoir un traitement, alors on ne peut pas le contraindre à guérir. Mais quand il se dérange pour s’y rendre, le lourd fardeau des fautes, en retour, ne l’empêche pas de réparer. Selon les propres mots de Rabbi Nathan par ailleurs (id, nézikin 3) : “Il n’est pas possible de forcer le choix de l’homme doté du libre arbitre, à moins d’aller sur la tombe du Juste authentique, à l’endroit de sa sainte sépulture, et de s’éveiller au repentir. Dans ces conditions, le Juste possède alors le pouvoir d’orienter son choix, de par sa grande puissance, car le Juste est plus grand après sa mort que durant sa vie terrestre, en le faisant sortir du lieu où il est tombé là-bas et en lui apportant la réparation – bien qu’il n’existe a priori aucune possibilité pour lui d’être réparé, de quelque manière que ce soit”.
Notre saint maître a ordonné de proclamer que tout celui qui se rapprocherait de son enseignement aurait le devoir de lui rendrait visite à Roch Hachana. C’est une proclamation qui concerne tout un chacun. Cependant, l’homme est plus que jamais appelé à goûter à cette tranquillité trompeuse quand il pense ne pas être tenu à voyager pour sortir acquitté du jugement à venir.
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